mardi 11 janvier 2011

Chapitre 8: Repos

Un grain de folie dans cette matinée sainte-annienne… je me suis offert le plus beau bouquet de ma vie. Il est d’une beauté curieuse voire furieuse. Je ne veux pas associer les fleurs à la souffrance. Combien de bouquets ai-je reçus quand je t’ai perdue. Je ne pouvais plus les voir, il s’associaient à trop de souffrances. Les fleurs à Sainte-Anne, que ce soient celles que je m’offre ou celles qui se nichent dans le jardin, font affleurer en moi un soupçon de satisfaction. Je crois que bientôt elles feront fleurir en moi des nano-instants de joie. Si je m’autorise à accepter de vivre avec ta perte.

Sainte-Anne avait des airs de retrouvailles aujourd’hui, elles ont été plus chaleureuses et légères que ce que j’appréhendais.

Le soleil n’a pointé son nez que tard dans le journée mais l’air ambiant était doux. Douceur, je me coucherai sous le signe de la douceur. Elles savent pourquoi. Une chauve-souris s’afole dans ce déjà début de nuit. Elle trace des lignes désordonnées dans le ciel moutonneux qui n’a pas encore enfilé sa cape de nuit.

Avant de reprendre mes esprits, car je n’en voulais plus sur le moment et n’en sentais pas la nécessité, j’ai appelé ton papa pour lui annoncer la bonne nouvelle qu’il avait si bien pressentie. Je craignais néanmoins sa réaction. Cette réaction, elle n’est pas montée tout de suite à la surface. Elle touchait plus à la forme qu’au fond. Dans l’instant de non-surprise, il a été assez monocorde dans l’expression de la joie. C’est bien plus tard que j’ai appris pourquoi. Pour ma part, j’étais toujours aussi scotchée et euphorique. J’avais besoin d’en parler pour assimiler cette nouvelle, pour la digérer et pouvoir laisser libre cours à ma joie. Alors j’ai appelé une amie, une sœur de cœur, et nous avons mêlé nos larmes à travers les combinés., Ensuite, et bien je me suis dépêchée de rassembler mon barda pour aller rejoindre ton père Gare Saint-Lazare pour gagner le bord de mer.

Sainte-Anne s’endimanche dans un caquetage qui me brise l’esprit et les nerfs. Cette journée est sous le signe de la logorrhée verbale. Comment la retenir, comment la tarir ? Étreindre le silence qui se glisse dans l’arythmie orale pour ne plus entendre que mon oreille intérieure. Je pourrais déchirer le bruit produit par ces bouches de mes dents et ongles. Je pourrais mourir de ne plus supporter d’entendre ce rien, ce cru, cette cruauté.

Je ne sais pas si comprendre suffit à accepter. Est-ce qu’accepter, se résigner, ce n’est pas aussi se soumettre, s’avouer vaincu ? Toutes ces questions qui virevoltent dans ma tête chercheuse de sens. Seuls les sens et choses simples parviennent ponctuellement à suspendre le fil alambiqué des pensées. Une pâtisserie fine sur un banc du Montsouris avec le son de voix étrangères et les paroles des proches, quelques fleurs en corolle autour du pied des arbres, un joli petit rire de connivence. Voilà ma récolte de cet après-midi. Dimanche touche à sa fin et lundi revient. Cela fait trois semaines maintenant qu’un autre moi en cette vie a commencé. Je ne pleure plus quand je pense à toi et suis plus sourde à la douleur. Mais les bruits du dehors et toutes les activités multipliées des gens m’épuisent encore tant, ils me font violence. Je les laisse glisser sur moi de toutes mes forces. Il ne faut pas qu’ils entrent, ils m’anéantiraient. Et de néant je suis encore trop pleine. Tout se calme à cette heure autour de moi et cette petite voix qui pourrait être celle du jardin, c’est du repos.

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