mardi 11 janvier 2011

Chapitre 7: Miraculeuse nouvelle

Sainte-Anne n’a pas su convaincre le soleil de taper un peu de son tempo lumineux sur notre nid de verdure. Le gris donne froid aux bras surtout quand le vent s’emmêle dans les interstices de l’air ambiant. Une mélodie oubliée et de bien avant toi m’a frappée en plein cœur, m’emportant dans un sous-monde de solitude, une solitarité qui fait que même entourée et au milieu des autres, on est si seul en soi. Marie, c’était si bon de te savoir en moi et de te construire, à force de contraintes et de bonnes intentions. Tu ne viendras plus, je ne te connaîtrai pas.

L’heure des derniers médicaments est toujours la plus longue. Elle n’en finit pas de s’atteindre. Le gris a cédé la place au noir d’une nuit enrhumée. La nuit s’éclot sur une belle rencontre, une correspondance d’âmes. Nos âmes s’endormiront nourries même si douloureuses.

Le ciel est baudelairien sur Sainte-Anne ce matin. J’ai invité le spleen dans ma couche et me laisse bousculer par le jazz en faisant mine de somnoler.

Je croyais que la douceur et le rire soigneraient ces blessures si bruyantes. Mais elles étaient figées, inscrites comme à jamais en lui avec toute la résonance possible, une sorte de cri perpétuel qui, quand il muait en mots, devenait acte de cruauté mentale. Tout l’amour que je porte en moi et qu’intimement je m’employais à lui donner sans compter ni mesurer ne pouvait rien contre ce mur du son, son mur intérieur, sur lequel ils nous jetaient parfois, couvrant de bleus nos âmes. Les malentendus devenaient raciniens mais je ne sais quel héros grec saurait contenir toute sa dramaturgie et sa souffrance dont j’étais loin d’avoir fait le tour. J’avais baissé ma garde en l’aimant. Je récoltais des coups dans le plus tendrement profond de moi, un moi qui allait s’effaçant, s’étiolant.

T’ai-je parlé de ses mains ? Elles étaient si caressantes et douces que je fondais et m’assouplissais à leur contact et à leur vie. Ses mains sur moi, c’était tant de légèreté, de désir, de douceur. Il m’a appris avec elles que l’amour pouvait être et doux et fort, dans son langage gestuel. Ses mots le contredisaient néanmoins. De plus en plus souvent.

Le temps passait et je ne m’inquiétais pas de voir mon cycle bousculé. Je le mettais sur le compte de ma fragilité psychologique légendaire. Lui ne comprenait pas que je ne sois pas plus en souci. Alors j’ai fait un test de grossesse qui a confirmé ma théorie. Il était négatif. C’est là seulement que je me suis réellement inquiétée et que j’ai pris rdv chez mon futur ex-médecin ? Elle m’a prescrit une prise de sang. J’ai fait prendre mon sang le matin du jour où nous devions partir pour Trouville. Après, ayant la journée libérée de travail, je me suis attelée au tri de mes vêtements en donnant la préférence à ceux d’été. En rangeant ainsi, j’ai arrangé mes pensées et ai décidé de poursuivre ce soin de moi en reprenant contact avec le psychiatre et avec la psychothérapeute auprès de qui j’avais brutalement cessé de m’épancher. Après ces coups de fil, je préparais quelques sandwiches pour le soir que nous mangerions à Trouville ou Deauville. Le téléphone a sonné m’annonçant un numéro que je ne connaissais pas. C’était le médecin. 
Elle m’appelait pour me déclarer que j’étais enceinte. De toi.
Mon état de surprise et d’émotion était incommensurable. Mon Dieu, quelle joie paralysante. Je vivais une euphorie inexprimable et presque insupportable. Il fallait la dire, la partager. Je ne pouvais contenir tant d’émotions et de sensations. Ce sont les premières vraies larmes de joie que j’ai connues. Je me suis précieuse de t’avoir eue en moi. Je voulais te donner le meilleur. Tout le meilleur. Je me sentais comme écervelée et brillante. À quoi bon un cerveau, à quoi bon réfléchir dans un moment de plénitude comme celui-ci. Je sais que cela fait quelque peu cliché, mais, sincèrement, Marie, cet instant a été le plus beau et bon de la vie que j’ai pu avoir ou mener jusque là. Tout faisait sens, tout à coup. Les différents morceaux de ma vie qui me laissaient souffrir une forme de chaos constant se sont rassemblés dans le puzzle de cette miraculeuse nouvelle. Je me suis sentie tout entière amour, et tout d’un coup maman.

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