mardi 11 janvier 2011

Chapitre 13: Ma vie chante faux

Un lundi saint-annien, fait de rendez-vous et de sommeil. J’essaie maladroitement de saisir quelques rayons de soleil pour me sortir de cette nuit artificielle et me dorer un peu la peau que j’ai plus fraîche sous le vent que les jours derniers. Le reflet dans la table m’assourdit l’œil. J’attrape un fil de mon tricot et m’y attache. Toujours un fil pour se tenir, tel un pantin, plus ou moins sur ses pattes.
J’ai rêvé de toi mon ange, encore et toujours.

Une soirée enchanteuse qu’une tasse de thé au caramel vient clore en douceur ; Juste assez de dés-habitude pour fermer ce jour pas plus mauvais qu’un autre. Les bouffées de toi m’ont fait très mal ce matin. Mais je m’endors avec toi et le sourire.

La fraîcheur de ce matin me fige. Les deux yeux de lumière que dessine le soleil dans deux bosquets de feuilles du jardin voisin me laissent rêveuse, envieuse. Je voudrais tout ce soleil autour de moi et en moi. J’aimerais tant oublier cette tristesse aux relents de souffrance et d’angoisses. Triste est mon âme. Je voudrais noyer ce jour dans le sommeil, des vertiges le crient. Et éloigner les rêves qui m’isolent de leur détresse.

Je ne nierai pas sa peine, douloureuse et sincère, ravivée par la perte de son père. Pendant que j’annonçais l’heureux événement de ta présence en moi à mes parents, son père à lui s’en est allé et P. est parti pour les funérailles. Il m’aura reproché de ne pas lui avoir présenté mes condoléances et même, bien après, d’avoir insulté la mémoire de son père.
À son retour, le décalage horaire accentuait plus encore nos rythmes de sommeil divergents. Il me reprochait de ne pas être compréhensive sur ce plan. Comme sur d’autres. Je supportais très difficilement l’omniprésence de la télévision et sa soif constante d’informations. Mais je taisais tout. Par respect pour sa douleur. J’ai accueilli ses questions avec soulagement et me suis épanchée sincèrement. Je savais qu’il avait besoin de parler mais je croyais son intérêt sincère. A posteriori, je m’en suis beaucoup voulue et m’en veux encore de n’avoir pas été oreille plutôt que bouche. Tout ce que j’ai pu lui confier ce jour-là s’est retourné, telle une crèpe, contre moi en lui. Abusivement il m’a reproché bien après, ou plutôt mal après, d’avoir été égoïste, de ne penser qu’à ma famille et de n’avoir pas su lui rendre l’intérêt qu’il me prêtait. J’ai cru qu’il me le donnait, autre illusion. Je ne suis pas une grande questionneuse, mon écoute est antérieure à toute question. J’essaie d’être proche et prête à entendre quand la parole se fait, je ne vais pas la pêcher. J’essaie juste de préparer de la place et du temps pour ce dire dont je ne suis pas le sujet et donc pas la décideuse. C’est une forme de pudeur polie qui peut passer pour de l’indifférence pour qui ne me connaît pas. Il avait beau me connaître en profondeur, il n’était pas adepte de mon principe d’écoute et attendait de moi que je la change, que je l’adapte à son besoin et à son habitude. Il disait que si je procédais de cette façon, c’était par force de l’habitude, parce que j’appliquais un modèle automatique que j’avais intégré avec mes précédents partenaires ou amis. Il trouvait intolérable que je lui applique le même mode de fonctionnement. Il lui semblait terrible et malsain que je ne remette pas tous mes automatismes en question. Il n’était jamais question des siens. Et puis comment faire la distinction entre des automatismes et des traits de caractère ? Ce n’est qu’aujourd’hui que cette question me vient à l’esprit. J’avais perdu tout sens critique et ma remise en question qui tournait autour de l’amour rayait toute ma personnalité. Ma vie chante faux depuis lui.

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