lundi 10 janvier 2011

Chapitre 1: Le point au creux de sa bouche

Je ne l’ai pas vu tout de suite. 
Il a retenu mon regard au détour d’un éclat de rire. Un éclat si soudain et puissant qu’il a tendu un lien de mon regard à ce point. Je ne pouvais plus croiser son visage sans que mon œil ne s’échappe vers lui. Le lien s’est donc tissé plus fort encore m’attachant à ce point de lui. Un point de rien du tout, même pas une tache de rousseur ou de beauté, un simple grain de peau qui le long de ce fil tendu entre lui et mon regard est venu s'enrouler, a poussé, puis a fleuri.
Mais avant déjà il y avait eu ce fil dans la pelote du réseau dont il avait tiré un bout auquel j’étais enligottée. Emballée dans une attente sombre et impatiente, j’espérais que le fil une fois dénoué, je me déroulerais comme une toupie, pour tourner, dans les chiffons du quotidien, au rythme d’une valse, d’un tango, d’un zouk.

Il pleut sur Ste Anne aujourd’hui. Il pleut depuis si longtemps. Je n’aurais pas aimé le sous-rire narquois du soleil sur mes larmes. C’est peut-être la seule chose dont je sois reconnaissante au ciel. Ce respect, cette compassion. Involontaires. Peut-être.

Le jour où nous nous sommes rencontrés, il fleurissait des jonquilles aux boutonnières des Parisiens. J’attendais son appel. Alors, pour arrêter de l’attendre, j’ai marché, comptant les minutes avec mes pas. Le temps n’était pas franc, ni tout à fait gris ni tout à fait élastique.
J’avais pris un livre pour une chaise du Luxembourg, histoire de me mentir sur l’urgence de mon impatience et de mon appréhension. Je ne me souviens plus du livre, je crois que je ne l’ai jamais terminé. Il avait été un simple alibi dans cet après-midi d’un samedi. Un alibi qui ne cessait de me glisser du bras et m’encombrer dès que mes jambes se remettaient en mouvement.
Pendant ce temps, mon cœur battait la chamade à lui en faire mal et je le sentais. Comment lire ou marcher calmement quand un tambour résonne, dans votre ventre, dans votre tête. Les yeux ne peuvent rien contre le bruit. Ils courent sur le même rythme d’une lettre à l’autre, d’un regard à l’autre, cherchant le point qui ferait sens et ne font en réalité que perdre le sens voire même leur propre essence.

Le soleil est sorti voilé ce matin, comme un avertissement. Il tient ses promesses cet après-midi, il est là et a teinté le ciel d’un bleu profond que lèche une légère brise. Ste Anne s’est beaucoup vidée ces derniers jours, entre les permissions et les départs. Il en ressort un sentiment de manque et de profonde solitude que l’inactivité générale souligne lourdement comme d'un trait gras et noir.



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