mardi 11 janvier 2011

Chapitre 16: Le frein entamé

Parfois encore quand dans la nuit je m’enroule dans mon odeur, la sienne me reprend et, invariablement, ils me reviennent. Ces mot susurrés à son oreille dans notre première nuit. « Ton odeur est faite pour moi. » Pourquoi a-t-il fallu tant de violence pour nous décimer tous les trois ?

Sainte-Anne, enluminée de coups de soleil… et de revenants et de partants. Les dates reviennent aussi .Cela ferait six mois que tu serais dans mon ventre. La tête enfollée du dedans, en rogne à l’envers, je tourne du dedans, me cognant à toutes mes pensées.

Pas de perspective à l’affiche, tout bouge à plat en superposition. Tout ce mouvement à l’extérieur est linéaire. On dirait une peinture où viendraient se coller des matières en plus des couleurs. Aucune profondeur. Si ce n’est celle sans fin qui s’ouvre tel un puit noir au creux de ma gorge, juste derrière la pelote d’angoisses qui me sert de glotte.

Le soleil quitte avec langueur son voile et scintille timidement. Il joue les vierges effarouchées. La nuit qui m’a servi de sommeil était de pointillés morcelée. J’ai rêvé étrange. J’étais trois personnes dans cette comédie sentimentale où le mari, l’époux, le père, l’amant avait caché sa face. Seule certitude, je l’aimais de mes trois cœurs. Les trois femmes que j’étais étaient trois mères, chacune à sa façon dont une qui était la mère d’enfants engendrée par une autre et une troisième qui se voyait voler ses enfances. L’histoire était abracadabrante, digne d’Edouard Baer et poignante comme un Desplechin. Les enfants, nombreux, beaucoup se faisaient kidnaper. Mes trois instincts les retrouvaient et les voyaient grandir si vite.
Dans le calme de ce matin qui n’en est déjà plus un, j’essaie de me souvenir si tu étais là. Il me revient que ton prénom souvent était dit mais que tu grandissais loin de nous trois.

A son réveil, le jour touchait du bout des doigts la fin d’après-midi. Ma colère n’avait pas dégonflé et quand il a reparlé des bienfaits de cette décision de rester près de lui, elle s’est imbibée un peu plus. Je ne la contenais plus que difficilement et savais que je ne saurais lui prêter mes mots et que si elle sortait, elle serait telle une déferlante, nourrie qu’elle avait été par mes précédentes altercations jamais désaltérées. Je n’étais plus prête à plier sous la démesure et la violence de ses termes et de sa logique. Il insistait. Parlant de la nécessité de ne pas rester seul en période de deuil. Evoquant un mauvais pressentiment quant à une sortie non-accompagnée. Rappelant sa proposition, à savoir de rentrer chez moi pour m’y promener là-bas et revenir plus tard. Je n’avais pas vu l’intérêt de m’infliger deux heures de transport pour pouvoir aller me promener une petite demi-heure. Comme il se délectait de ses arguments et tournait mon besoin à la dérision, la colère a lentement et sûrement entamé le frein que je lui imposais.

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