mardi 11 janvier 2011

Chapitre 5: Au sommet des arbres

Dans l’herbe du Parc Montsouris, certains prétendent encore croire à l’été en étalant leurs torse et jambes nus dans la verdure humide. Je choisis les trèfles pour ma part. De là à prétendre croire à quelque chose…

Il avait beaucoup insisté sur ce point : la foi en Dieu. Cela faisait parti des critères rédhibitoires. Un autre était qu’il souhaitait que son amie de cœur et de corps habite seule. 
Je ne t’en ferai pas la liste. Savoir qu’elle existe suffit en soi.

Une bonne et réconfortante nuit de sommeil, martelée par ma toux, après une altercation avec l’infirmière qui se veut chef-mère ou l'inverse. Ce jour est un jour de perm’ pour moi. Chut. Et chat.
Hors Sainte-Anne, la lassitude est passée de la fébrilité à la léthargie. La journée est vite passée, sans intonation ou grand moment. Toujours cette tristesse et cette fatigue qui prennent le visage d’absences. Je comprends les choses sans les entendre et n’écoute que malgré moi. Un pantin de moi est posé là et personne n’est informé. On me parle comme si de rien n’était et la vérité c’est que rien n’est et rien ne naît. Pas de réaction de ma part ou alors inadaptée, décalée, parfois même de quelques jours. L’air est à septembre, le soleil ne nous baigne plus que d’illusions.

Il m’est difficile de me remémorer les temps qui suivirent. Dans mon répertoire, j’ai floutté nombre de souvenirs. Sans doute pour les rendre supportables. Je commence à comprendre les bénéfices de l’amnésie. Je la crains néanmoins aussi : elle a jeté un lourd rideau noir sur l’épisode qui a précédé et succédé à mon arrivée à Sainte-Anne. Ces morceaux-là, je cherche à les recoller : je me sens volée d’instants importants de ma vie. J’ai encore du mal à concevoir que c’est pour mon propre bien que j’oublie.

Nombre de moments avec lui ont été merveilleux mais, si j’y réfléchis, tous étaient tâchés : un mot - dur, un rire - moqueur, un sous-entendu. Des incidiosités, comme je les appelle. J’y voyais des signes de fragilité, d’humanité et je les couvais d’un regard bienveillant mettant sur le compte de mon historique susceptibilité mon analyse critique qui, quand je l’exprimais en mots, ressemblait à un magma complexe et inutile d’où il tirait quelques sentences qu’il révisait sous l’œil de son code linguistique et de son passé souffrant, et me ressassait jusqu’aux larmes (les miennes), jusqu’à ce que je ne comprenne plus l’ithème qui avait motivé mon analyse ni l’analyse elle-même: il me faisait tourner la tête et, à force, la perdre.

Du soleil aux larmes, Sainte-Anne nous fait toute l’année en une journée. La persistance de ma bronchite me pèse un peu. Mais si peu en comparaison du reste. Je ne me sens bien nulle part, ni seule ni en compagnie. La journée m’a trempée du rouge des coups. Des coups de soleil. Le sommeil viendra les lisser d’ici peu. Je crois que j’aime cette nuit qui vient et que les plus têtues des feuilles annoncent venteuse au sommet des arbres.

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